| Karstologie Stratigraphie | Document texte | Degouve, Massuyeau, Nurisso (GSHP) | 20/09/2017 | Titre Géologie et hydrologie Quéou
Résumé Extrait Spelunca n°139 2015
Un contexte géologique très particulier
Le gouffre du Quéou se développe dans une structure géologique curieuse et complexe : l’aire anticlinale des Génies (du nom de deux ruisseaux, la Génie Longue et la Génie Braque) ou structure circulaire de Tres Crouts du nom du massif boisé (les Trois Croix en français).
L'anticlinal de Larbastan, au Sud, qui traverse la vallée de la Génie Longue, se raccorde à l'anticlinal de Mourichi, au Nord, tandis que vers l'Est les deux plis se rejoignent aussi à Espiaube (voir carte). Cela donne un anticlinal tournant, à axe de Trias et de Lias, qui enserre le synclinal de la Forêt de Tres Crouts, où le Jurassique supérieur est disposé en «blague à tabac» ou en «portefeuille», le fond en étant faiblement bombé et les flancs ayant tendance à se rabattre vers le centre.
Cette structure circulaire de Tres Crouts représente une ceinture (ou couronne) anticlinale aiguë plus ou moins déversée vers le centre du cercle ainsi défini. A noter le métamorphisme des calcaires au cœur dudit cercle (j8m). Selon Joseph Canérot, cette structure serait d'origine "halocinétique" (structure liée au diapirisme du sel triasique sous-jacent).
Ainsi le réseau du Quéou traverse presque de part en part cet anticlinal très serré. D'une façon générale, les pendages sont sud à sud-sud-est
La cavité se développe dans le Lias supérieur et moyen identifiable aux nombreux fossiles rencontrés, principalement des rostres de bélemnites. La tête du réseau est dans le Lias l1 (Hettangien - Rhétien). De là, le réseau traverse le cœur de l'anticlinal fait de ce même l1 qui enserre là un "noyau" d'ophite "flanqué" de sédiments du trias supérieur. Les galeries terminales de la Rivière du Prévisionniste s'achèveraient dans le sommet du Lias ou l'extrême base du Jurassique (j2). La suite est plus incertaine et nous a conduits à réaliser plusieurs colorations.
L'échec des colorations
La première injection de colorant a lieu le 16 février 2013.
En avance, nous avions déposé le 15 février des fluo capteurs aux différents points possibles de résurgence, à savoir le long de la Génie Longue (à 1200 m de l'extrémité du réseau et 250 m plus bas) et le 12 février à la résurgence du petit Lourdes située 9 kilomètres plus à l'est, à l'extrémité du synclinal d'Omex.
Lors des différentes poses, les débits des ruisseaux étaient relativement importants suite à des pluies durant la semaine.
L’équipe chargée de déverser la fluorescéine descend quand même dans la cavité mais celle-ci est impraticable à la base des puits. Le colorant y sera injecté, dans un ruisseau bien formé une trentaine de mètres en aval du puits du Cœur.
Commence alors l’attente et une surveillance visuelle par notre ami Jean Claude qui habite tout près de la Génie.
Le dimanche, 24 heures après l’injection, nous sommes 7 le long de la Génie, à guetter vainement une sortie du colorant. Rien ne sera visible, le torrent et les résurgences sont en crue, le redoux est arrivé.
Le 21 février l’eau a baissé considérablement et nous procédons à un premier changement de fluo capteurs. Ils y seront laissés jusqu’au 8 mars.
Les révélations ne donneront pas de résultats positifs.
En 2014, à la faveur d’un nouveau raid prévu le 17 juin, nous reposons de nouveaux fluo capteur, en Génie Longue et à l’Oueilh de l’Arriu.
Les fluo capteurs seront relevés le 2 juillet.
Une nouvelle fois, les résultats sont négatifs.
Il est difficile de remettre en cause notre protocole de coloration donc nous en déduisons que les eaux ressortent autre part… mais où ? Alors une fois de plus on se repenche sur la topo, sur les cartes topographiques et géologiques, on fait appel aux géologues comme Jacques Bauer et à force de prise de tête et de débats passionnés, on se dit que finalement on verrait bien les eaux poursuivre leur cheminement dans le Jurassique jusqu'au cœur du synclinal de l'Estibette et, de là, partir vers le Gave de Pau pour résurger du côté d'Aspin en Lavedan ou de Lourdes, au cœur du synclinal d'Omex... Dans cette hypothèse, la résurgence du Petit Lourdes est la plus probable et donc nécessitera de revoir notre protocole de coloration. Celui-ci devra prévoir une dose plus importante de fluo car en plus, l'extrémité du synclinal étant barré par un niveau de flysch, il faut s'attendre à une forte rétention du colorant. Cela ne doit pas exclure des surveillances tout au long du gave entre Lugagnan et Lourdes … et imposera de s'armer d'une encore plus forte dose de patience..... | |
| Découverte Historique des explorations | Document texte | Degouve, Massuyeau,Nurisso (G.S.H.P;) | 20/09/2017 | Titre Historique Quéou
Résumé Extrait Spelunca n°139 2015
Le massif de St Pé a très tôt attiré l’attention des spéléologues. Durant la seconde moitié du XIX° siècle, la découverte, l’exploration puis l’exploitation des grottes de Betharram ont été à l’origine de nombreux travaux et publications concentrés principalement sur la partie septentrionale du massif. Ce périmètre encore restreint sera considérablement élargi grâce aux recherches de l’Abbé Abadie (1900-1984). Même si on ne parle pas encore d’inventaire, ce personnage haut en couleurs va décrire de façon parfois romanesque près de 250 cavités dont certaines deviendront des classiques du département. A partir des années 70, la spéléologie moderne, donne un second souffle aux explorations, révélant des gouffres de plusieurs centaines de mètres de profondeur Le point d’orgue est atteint avec l’exploration du puts des Tachous (-804 m) puis celle du gouffre de la Ménère (-765 m). Le potentiel de ce massif aux nombreuses facettes devient indiscutable et galvanise l’énergie des principaux clubs du département. Dans la foulée, d’autres belles découvertes sont réalisées : la perte du Col d'Espades (CL6 : -415 m), le gouffre des Ratasses (SC 132 : 3,5 km ; -445 m), le gouffre du soum de Conques (SC 142 : - 210 m) etc.... Mais au final, elles laissent bien trop souvent les explorateurs sur leur faim. Les grandes mais inaccessibles galeries du fond de la Ménère ne seraient-elles qu’une exception ? De plus, le massif est ingrat : les marches d’approche sont longues, les trous, froids et humides, sont souvent étroits, sélectifs. Dans les années 2000, certains clubs vont commencer à se tourner vers d’autres horizons et le rythme des découvertes va peu à peu se ralentir, laissant l’illusion que le massif avait tout donné.
Simple illusion car d’aucun y croient encore et continuent à arpenter les versants abruptes des hauteurs de St Pé. Parmi eux, il y a Jean Claude Mengelle, jeune retraité converti depuis peu à la spéléologie. Lui, c’est un enfant du pays qui connaît le massif comme sa poche pour y avoir chassé et surtout cueilli des champignons depuis sa tendre enfance. Désormais, ce sont les « puts (1)» qu’il traque et il n’a pas son pareil pour débusquer de nouvelles entrées.
L'oublié du Larbastan
Ce samedi d’octobre 2011, il est accompagné de deux membres du GSHP (Alain Dole, Serge Latapie) à qui il veut montrer sa dernière trouvaille, sur le flanc est du Larbastan (1363 m). Au terme d’une bonne heure et demie de marche (850 m de dénivelé), l’équipe se retrouve au bord d’un bel orifice visiblement inconnu des spéléos. Une première reconnaissance par Serge dévoile aussitôt l’intérêt de la découverte. Après un ressaut de quelques mètres, il équipe un superbe puits de 65 m (puits du Cœur) se prolongeant par un méandre avec amont et aval. Il s’arrête vers -90 m sur un passage bas.
Un mois plus tard (15 novembre 2011), Serge y remonte avec Alain Massuyeau et ensemble, ils poursuivent l’exploration du méandre aval sur une centaine de mètres jusqu’à un rétrécissement ponctuel (-120 m). Un ruisseau parcourt la galerie qui prend peu à peu de l’ampleur. Une dizaine de jours plus tard (26 novembre 2011) le groupe s’est bien étoffé et pendant que les uns commencent la topographie (Patrick Degouve et Alain Dole), les autres poursuivent l’exploration de l’aval qui n’offre guère de résistance hormis quelques passages bas (Sandrine Degouve, Gaël Enault, Serge Latapie). Tout le monde se retrouve à -188 m dans une salle ébouleuse dont la voûte se perd dans un gros puits remontant. La suite est quelque part sous des blocs effondrés mais aucun doute, ça continue.
Deux semaines plus tard, Jean Claude Mengelle est de la partie accompagné de Serge, Joël Sanchez, Sandrine et Patrick. Pour sa première expérience d’exploration il ne sera pas déçu. Au terminus précédent, après une galerie basse, une seconde salle est découverte à l’extrémité de laquelle il faut équiper un petit puits. Au bas, un actif plus conséquent occupe désormais le fond de la galerie dont les dimensions s’accroissent notablement. La topographie est dressée au fur et à mesure de la progression. Le cheminement est facile, la pente est régulière et sans trop s’en apercevoir, nous nous retrouvons rapidement à – 265 m, devant un laminoir humide où s’enfile le ruisseau. Heureusement quelques mètres avant, une courte escalade amène dans un conduit fossile bien plus confortable. Une cinquantaine de mètres plus loin la rivière est retrouvée au bas d’un petit puits de 8 m. Nouveau décor : l’actif devenu torrent cascade bruyamment dans une galerie plus modeste, sombre et inquiétante. Les plus pessimistes s’attendent déjà à tomber sur un siphon, mais brusquement la voute se redresse sur un énorme chaos de blocs. Ce jour là, la chance est du bon côté et ce qui aurait pu être une trémie infranchissable est traversé sans la moindre difficulté. Un passage entre les blocs laisse entrevoir du noir, le noir d’une énorme galerie de plus de 20 m de diamètre qui continue à plonger dans le pendage (Canyon du Triple A). C’est l’euphorie d’autant plus que rien ne s’oppose à notre progression si ce n’est quelques petits ressauts faciles à désescalader. Après 6 h d'explo, nous nous arrêtons à -370 m sur rien, simplement parce qu’il faut songer au retour dans la vallée mais aussi pour laisser une part de ce gâteau fabuleux à ceux qui n’ont pas pu en profiter.
Le 19 février suivant, après une sortie avortée en raison des fortes chutes de neige, pratiquement toutes les forces vives du club se retrouvent au refuge de l’Aoulhet (Patrick et Sandrine Degouve, Alain Dole, Jean Luc Lacrampe, Serge Latapie, Alain Massuyeau, Jean Claude Mengelle, Bruno Nurisso et Joël Sanchez).
Le terminus est vite atteint mais rapidement les grands volumes cèdent la place à une zone labyrinthique où actifs et fossiles se séparent (Labyrinthe du Four à Chaux). La tentation de suivre la rivière l’emporte et ce jour là nous nous arrêtons à -410 m dans un canyon aux parois friables peu propices à la pose d’amarrages (Canyon de l'Ulcère).
Voie royale par les fossiles
Ce n’est qu’au printemps (19 mai 2012), après la fonte nivale que nous retournons au fond du gouffre (Bruno, Jean Claude, Sandrine et Patrick, Serge et Olivier Lacroix,). La progression dans le canyon de L’Ulcère est laborieuse. La roche est friable et nécessite de multiplier les équipements pour franchir des marmites et une succession de petits puits. Pendant qu’une équipe galère pour progresser au-dessus de la rivière, une autre termine la topographie du labyrinthe et retourne voir l’extrémité fossile de la galerie du Scrouitch. Une courte désobstruction au milieu des concrétions lui permet alors de rejoindre un balcon surplombant ce qui semble être une grosse galerie fossile. Inutile donc de s’obstiner dans l’actif, la suite semble plus évidente par ici. Plus bas, l'équipe de l'Ulcère s'arrête à -431 m sur une nouvelle cascade particulièrement difficile à équiper.
16 juin 2012 : Une fois encore ça se bouscule au refuge de l’Aoulhet (Patrick et Sandrine, Jean Luc, Jean Claude, Serge, Bruno, Alain D. et Alain M.)
En ce début du mois de juin, les conditions sont estivales et le gouffre est bien sec. Dans la galerie du Scrouitch, nous découvrons sans trop de difficulté un passage permettant d’éviter le grand puits qui nous avait arrêtés la fois précédente. Un simple à-pic de 7 m nous amène alors dans une vaste salle que nous baptisons du prénom de la doyenne de notre club : Madeleine Cabidoche. A l’extrémité de celle-ci, on perçoit au loin le grondement de la rivière. Encore un petit puits de 8 m et à -450 m nous retrouvons le cours d’eau provenant vraisemblablement du canyon de l’Ulcère. Curieusement, et alors que certains prédisaient une accentuation de la pente, nous progressons désormais dans un beau méandre, sinueux mais parfaitement horizontal. Le cheminement est facile et notre troupe avance tranquillement, au rythme de la topo et des nombreux arrêts pour fouiller la galerie fossile se développant juste au-dessus. Quatre cents mètres sont ainsi parcourus mais malheureusement, à -458 m et après la confluence avec un bel affluent, nous butons sur un siphon. Le courant d’air quant à lui s’échappe dans d’infâmes étroitures situées à l’extrémité de cet affluent.
Trois mois plus tard (17 septembre), nous refouillons la rivière du Prévisionniste à la recherche d’un passage qui nous aurait échappé. Le butin est assez maigre aussi, nous en profitons pour confirmer la jonction de cette dernière avec le fond du canyon de l’Ulcère (P. et S. Degouve, S. Latapie).
Dernier acte sous l'Aoulhet
La violence du courant observé dans l’affluent des Sangsues (-453 m) a marqué nos esprits et indique de toute évidence la voie à suivre pour dépasser le siphon terminal. Mais le méandre est terriblement étroit et semble impénétrable sur au moins 6 ou 7 m. Cependant, juste à côté, un conduit fossile longe ce dernier et s’en rapproche de quelques mètres seulement mais son extrémité est complètement colmatée par de l’argile. Cette dernière lueur d’espoir nous pousse alors à tenter le pari de la désobstruction. Pour l’occasion, Serge fabrique un redoutable outil pour creuser le remplissage. C’est lourd, encombrant, mais très efficace. Le 6 octobre suivant nous voici de nouveau au fond du gouffre en compagnie de Régis Lejeune du GSVO. Les travaux vont bon train, mais le moral va vite décliner face à un épais plancher stalagmitique. Serge, plus motivé que jamais parviendra bien à l’écorner un peu, du moins suffisamment pour passer la tête dans une minuscule cloche bouchée de toute part. Pour nous c’en est fini du Quéou. Le fond de la vallée n’est à priori plus très loin, et le potentiel estimé ne justifie pas d’engager de plus amples travaux. Nous rapatrions le matériel vers -400 m, au pied d’un gros départ surplombant la salle Madeleine.
L’escalade pour atteindre ce dernier est réalisée le 28 décembre 2012 par un trio de choc composé de Serge, Bruno, et Alain Bressan du GAS (Gers). Après une belle traversée au-dessus de la salle, ils parviennent à atteindre un conduit assez vaste qui se dirige vers l’amont (galerie de la Daubacolette). Cent mètres plus loin, c’est un puits d’une quinzaine de mètres qui les arrête, la corde et les amarrages faisant défaut.
La poursuite de l’exploration est prévue le 16 février 2013, en même temps que la coloration de la rivière du gouffre. Malheureusement un redoux guère prévisible oblige à abandonner l’objectif et la coloration est réalisée dans le ruisseau, à la base du puits d’entrée.
Il faudra donc attendre près d’un an pour que ce puits soit descendu. L’enthousiasme du début est bien retombé et d’autres objectifs nous ont détournés du Quéou. Le 22 septembre 2013 Serge, Sandrine et Patrick, prolongent la galerie sur plus de 300 m et jonctionnent cette dernière avec l’extrémité du canyon du Tripe A. Le même jour une seconde escalade de près de 30 m est réalisée à l’aplomb même de la jonction. Terminée par un méandre étroit elle sera bien vite déséquipée.
Le dernier acte de l’exploration du Quéou se joue le 17 juin 2014 avec la même équipe. L’objectif est double car il s’agit d’une part d’injecter une nouvelle fois de la fluo dans la rivière et d’autre part de réaliser une nouvelle escalade en rive gauche du canyon du Triple A.
Cette fois-ci le colorant est injecté vers -350 m et les conditions hydrologiques semblent optimum. Du côté de l’escalade c’est moins brillant et le gros départ ciblé s’est vite transformé en un méandre haché par la fracturation et rapidement terminé par des éboulis impénétrables.
A la fin de l'année 2014, le gouffre du Quéou totalise un développement topographié de 2960 m pour une profondeur de 458 m. | |